Capitaine Tenhetiel

L'idée que des races puissent être bonnes ou mauvaises par essence lui avait toujours semblé simpliste et grotesque. Comment la Nature aurait-elle pu distinguer ainsi ses enfants, dénaturant l'Equilibre pour transmettre aux uns les vertus et la charge du Bien et accabler les autres de la cruauté et des vices du Mal?

Mais l'histoire était là, témoin insupportable et froid des luttes futiles et éternelles entre les êtres de ce monde. Tenhetiel avait vu tant de fiers guerriers, de valeureux héros tomber sous les coups ennemis, et les victoires ne lui semblaient guère plus chaleureuses que les défaites lorsqu'elle contemplait les champs de bataille jonchés de créatures horriblement mutilées, un rictus de haine ou une grimace de douleur à jamais figé sur leurs visages éteints. Que de vies prises pour de vaines querelles !

Les guerres ne cessaient que pour mieux reprendre à nouveau. Pourtant, les traités de paix successifs lui apportaient chaque fois un peu d'espoir. Ce triste espoir que l'on aurait souhaité ne jamais connaître lorsque la réalité sombre à nouveau.

Cependant la jeune elfe gardait au fond d'elle une foi inébranlable en la Nature qui lui permettait de croire en des lendemains pacifiés. C'est cette confiance, ainsi que son caractère bon et doux qui lui avait fait choisir la voie du druidisme, se démarquant ainsi de la tradition familiale ancestrale d'une lignée de guerriers.

Mais alors qu'ils participaient à l'escorte d'un convoi diplomatique, ses parents et sa soeur rencontrèrent le Fléau...

De ce jour, elle appréhenda sa mission de druide d'une manière bien différente. La Nature ne pouvait souffrir l'existence d'être aussi vils que les âmes damnées composant cet ost maudit qui défigurait la surface de ce monde. Tenhetiel se vouerait toujours à l'Equilibre, mais la colère et le désespoir avait fait naître en elle la flamme guerrière de ses ancêtres. Nul repos ne saurait désormais lui être accordé par son âme troublée tant que le Fléau n'aurait été anéanti.

En outre, elle éprouvait une sombre rancune envers ceux de la Horde qu'elle rendait également responsable du trépas de sa famille. Et si sa bonté restait présente envers les animaux et les êtres purs et droits, sa chaleur d'antan avait disparu pour laisser place à une politesse courtoise et froide.